Le
Matin d’abidjan-3/7/2007
Vendredi 3 Aout 2007 | :: | NATIONS UNIES | |
Ban Ki-Moon démantèle le réseau français |
Il est loin le temps où
l’Elysée faisait la pluie et le beau temps
au Conseil de sécurité. La méthode de
gestion du diplomate sud-coréen a
eu raison des manigances de la diplomatie française aux
abois à la
maison de verre de New York.
Ban Ki-moon porte un coup de pied dans la
fourmilière. Dès sa
cooptation à l’ONU, le diplomate
sud-coréen qui s’est dit
décidé à
bouleverser certaines habitudes qui
décrédibilisent la maison de verre
de New York, est passé à l’acte. Une
détermination qui fait de
nombreuses victimes au sein d’une certaine nomenklatura, qui
a acquis
ses lettres de noblesse sous l’ère Kofi Annan. Au
nombre des pays qui
ont pendant longtemps fait la pluie et le beau temps aux Nations Unies,
la France représentée par Jean-Marc de La
sablière, la partie visible
de l’activisme de l’Elysée. La gestion
de la crise ivoirienne notamment
a donné la pleine mesure de la capacité de
nuisance des fonctionnaires
internationaux français, oeuvrant dans les
sphères d’influence
onusiennes. Mais l’eau a coulé sous le pont,
depuis le 1er janvier 2007
date de la prise de fonction de Ban Ki-moon. Le 9 janvier, soit moins
d’une semaine après l’arrivée
du nouveau patron de la diplomatie
mondiale, son porte-parole annonce le départ de plusieurs
hauts
fonctionnaires de l’organisation. La méthode du
Sud-Coréen se mettait
ainsi en place. Et elle a eu raison de plusieurs pays, dont la France.
De nombreux chefs de mission sont ainsi rappelés au
siège, ou
remerciés. Premier signe de la décadence de la
France, du moins en ce
qui concerne son implication dans la crise ivoirienne, la
désignation
du vice-secrétaire général de
l’ONU. Ce poste échoit à la Tanzanienne
Asha-Rose Migiro, précédemment ministre des
Affaires étrangères de son
pays et militante bon teint des causes africaines. La cellule africaine
de l’Elysée perdait déjà
pied au sein de la maison de verre. Dans la
foulée, survient le départ tant exigé
de Pierre Schori de la tête de
l’ONUCI. Ce pion de la France, congédié
diplomatiquement auparavant par
la présidence ivoirienne, devait son maintien à
Abidjan, au refus de
Kofi Annan de jouer contre les intérêts
français. Le huitième
secrétaire général de l’ONU
lui, n’a pas voulu se prêter au jeu de
Chirac, lui-même sur le départ. Ceci dit, peu
avant la fin du mandat du
diplomate ghanéen, la Chine, la Russie, et même
les Etats-Unis sont de
plus en plus intrigués par l’attitude de Jean-Marc
de La sablière,
fortement combattu lors du vote de la résolution 1721 en
septembre
2006. Conséquence, la Constitution ivoirienne est
préservée contre le
gré de Chirac et ses hommes de main locaux. Konan Banny
n’aura pas non
plus les pouvoirs exécutifs escomptés, pour
diriger à la place de
Gbagbo. Une véritable douche froide pour les
autorités de Paris.
Là-dessus, l’interview de l’ancien
ambassadeur des Etats-Unis à l’ONU,
publiée le 24 juillet dernier par ‘’Le
Courrier d’Abidjan'’, est
révélatrice des coups bas de
l’Elysée. Sans sourciller, John Bolton met
à nu les manigances de la diplomatie française
contre le régime de
Laurent Gbagbo. Bolton décrie en outre la
complicité avérée de Kofi
Annan et certains de ses conseillers, lorsqu’il
s’est agi d’adopter
l’avant dernier texte onusien sur la Côte
d’Ivoire. “Par bien des
aspects, je pense que la France et les Européens en
général se
comportaient comme si la Côte d’Ivoire
était encore une colonie. Ils
administraient ses affaires, décidaient de qui devait
diriger le pays…
“, révèle-t-il, pour fustiger la
démarche de Chirac et les siens. Qui
plus est, confirme Bolton, “Kofi Annan a très
clairement pris fait et
cause pour la France.” Tout cela relève
aujourd’hui d’un lointain
souvenir. Car Paris a dorénavant du mal à faire
aligner le Conseil de
sécurité sur ses vues et les conditions
d’adoption de la résolution
1765 le 10 juillet dernier, convainquent les plus sceptiques sur la
‘’touche personnelle'’ du
Sud-Coréen. Avec notamment la perte, depuis
cette date, par la France de l’exclusivité des
projets de résolution
sur la Côte d’Ivoire. Cette prérogative
naguère jalousement protégée
par Paris est battue en brèche par le successeur de Kofi
Annan.
L’Elysée partage désormais ce
privilège avec le Ghana et l’Afrique du
Sud, deux membres non permanents du Conseil de
sécurité. Et pour ne
rien arranger pour les affaires françaises,
l’activiste De la Sablière
plie bagages bientôt, Sarkozy ayant
décidé de promouvoir un de ses
hommes à l’ONU. Autre grand malheur, le GTI
pensé et exécuté par les
services de Michel de Bonnecorse, ex- Monsieur Afrique de
l’Elysée et
Brigitte Girardin, à l’effet
d’administrer la Côte d’Ivoire est
désormais dissout, l’administration Ban Ki-moon
trouvant l’organe
inefficace, dans la résolution de la crise. Plus grave, la
prochaine
présidentielle ivoirienne ne sera pas
contrôlée par la France.
L’inédit
poste de haut représentant de l’ONU
chargé des élections (HRE), imaginé
par l’Elysée est supprimé. Son
occupant, Gérard Stoudman, un autre
homme lige de Bonnecorse, est parti. Les réseaux
françafricains devront
donc faire leurs adieux à leur plan d’organisation
de scrutins sur
mesure pour leurs filleuls houphouëtistes. Ceux-ci
n’en finissent
d’ailleurs pas de ruer dans les brancards.
Bédié et ADO s’étranglent de
l’annulation du HRE, et jurent de faire
reconsidérer cette position
onusienne. Une gageure au moment où leurs parrains ont les
ailes
brisées à New York. Analyse de plus
d’un diplomate : la France se
trouve affaiblie par une gestion aux antipodes de celle qui avait
cours, sous le diplomate ghanéen. D’autres notent
encore que Paris paye
le prix de l’offensive diplomatique du Palais
d’Abidjan.
Guillaume N’Guettia